Chapitre #22: Tendres retrouvailles

Félicité l'aurait reconnue parmi cent personnes, perdue dans une foule immense, et ce malgré les années qui avaient passé. C'était bien Elsa qui était là, sur le bord de la route, près d'une petite maison. La voiture s'arrêta brusquement à sa hauteur, et Félicité sortit du véhicule, abasourdie.
"Elsa... Elsa, c'est bien toi? demanda-t-elle."

Son amie semblait tout aussi surprise qu'elle, et elle hocha la tête, ne sachant pas très bien quoi répondre. Félicité s'approcha, et remarqua à quel point le visage de Elsa semblait marqué par la vie: ses ennuis avaient du la poursuivre un long moment, avant qu'elle ne puisse se poser.

"Viens, fit Félicité."

Elle sauta derrière le volant, et Elsa la rejoignit bientôt: elle démarra en trombe, et elles se dirigèrent ensemble vers un morceau de la jetée, pour être tranquilles.

Silencieuses, elles s'installèrent sur un banc. Le soleil se couchait, il n'y avait personne aux alentours.

"Alors... qu'est-ce que tu deviens? demanda Elsa.
-Et bien, je suis mariée...
-Akim?"

Félicité hocha la tête, et ajouta:

"Je suis mariée, et j'ai quatre enfants. Trois garçons, et une fille."

Son amie approuva avec un léger sourire, heureuse de voir que la jeune fille qu'elle avait connue il y a des années avait su si bien évoluer.

Félicité se tourna vers elle.

"Et toi alors? Qu'est-ce que tu as fait de ta vie?"

Un sourire triste passa sur le visage de Elsa. Elle paraissait envier la vie que son amie avait eu, et regretter ses actes passés.

"Oh tu sais... J'ai pas mal vadrouillé, j'ai trouvé des petits boulots ici et là... J'ai bien rencontré quelques hommes dans ma vie, mais rien de très sérieux. Ça ne fait que quelques mois que je suis revenue en ville. C'est la première fois que je réussis à me poser, à être stable depuis que...
-Depuis que tu m'as abandonnée."

A ces mots, Félicité ne put s'empêcher de sentir des larmes inonder ses yeux, et elle préféra cacher son visage entre ses mains. Une douleur s'était réveillée à l'intérieur d'elle, une douleur qu'elle avait refoulée depuis des années au plus profond d'elle-même. Comment était-ce possible de souffrir encore d'un événement qui avait eu lieu il y a si longtemps?

Elsa se rapprocha d'elle, et posa une main sur son épaule.

"Je suis terriblement désolée, tu n'as pas idée combien je regrette... combien je regrette de m'être comportée ainsi avec toi. Toute ma vie, j'ai traîné ce souvenir comme un fardeau... J'aimerais pouvoir revenir en arrière, et effacer tout ça, mais je sais que c'est impossible. Je voulais te parler, t'expliquer les choses, mais ça a toujours été si difficile de me confier."

Félicité sécha ses larmes, et essaya de reprendre contenance.

"Moi aussi, j'ai souffert. Du  jour au lendemain j'ai perdu ma seule amie."

Elsa baissa les yeux, le regard mélancolique. Puis son amie poursuivit.

"Mais j'ai la chance d'avoir pu construire une famille, et d'avoir eu une vie bien remplie... Je suis désolée de ne pas avoir su t'aider."

Elle prit la main d'Elsa dans la sienne, et la serra dans ses bras.

"Tu viendras à la maison, un de ces jours? Je te présenterai mes enfants..."

Elles se laissèrent ainsi, le coeur plus léger. Félicitait pensait que, maintenant, elle avait totalement pardonné à son amie son comportement déraisonnable. Tout le monde avait le droit à une seconde chance, et elle estimait qu'elle la lui devait. Si elle l'avait fait souffrir, elle lui avait aussi apporté de nombreuses choses précieuses.

En se couchant auprès de Akim, elle se mit à penser que finalement, si elle avait si bien vécu c'était grâce à Elsa. C'était elle qui l'avait poussée à se confier à Akim. Sans elle, peut-être n'aurait-elle jamais osé se lancer.

Le jour de Halloween arriva rapidement, et ils eurent la bonne surprise de voir que ce jour-là, les arbres n'avaient pas encore perdu toutes leurs feuilles. Le temps était doux, ce qui était parfait pour se rendre au festival.

Gabriel y avait accouru pour retrouver Lydia. Chaque moment qu'il passait sans elle lui semblait une éternité, d'autant plus qu'elle avait décidé de se séparer de son copain, pour se mettre en couple avec lui. Il n'allait pas refuser une occasion pareille: il aimait se promener main dans la main avec elle, se poser sur un banc, et profiter de la vie.

De nouvelles activités avaient été mises en place pour divertir la population. Plavi Raj avait la chance d'avoir un maire à l'écoute de ses besoins, et les loisirs faisaient partie des priorités de chacun. Pendant Gabriel s'éclipsait derrière quelques buissons en compagnie de sa jeune amie, le reste de la famille s'était dispersé sur le terrain.

Akim avait absolument voulu tester le rodéo. Le taureau mécanique n'était pas facile à dompter, et Félicité le regardait de loin, avec Salim et Shéhérazade dans leur poussette. Elle craignait pour son dos, parce qu'ils n'étaient plus si jeunes, et qu'on avait vite faite de se blesser. Mais Akim était téméraire, et refusait de s'avouer vaincu par le temps.

Les enfants n'étaient pas non plus en reste. Kilian s'était précipité vers la maison hantée, dont on disait beaucoup de bien: toutes les personnes qui avaient osé s'y aventurer disaient que c'était la demeure la plus effrayante qu'ils aient jamais vue.

Le petit garçon n'était pourtant pas impressionné, il riait de voir les toiles d'araignées pendues au plafond, et les bandelettes de momie qui traînaient sur le sol.

Il courra également en direction du concours de tartes, et gagna haut la main le trophée du plus gros mangeur de tartes aux cassis.

Le soir, Kilian fut tout excité et il n'arrivait plus à rester en place: sa mère terminait de préparer les citrouilles qui allaient décorer la maison, pendant qu'il enfilait son costume, à l'aide de son père.

"Arrête de bouger comme ça, sinon tu seras tout de travers! lui ordonna-t-il. Voilà, c'est  mieux... Parfait, tu es le plus beau mon petit extra-terrestre!"

Kilia, courut voir sa mère, qui creusait la dernière des citrouilles.

"Il ne reste plus qu'à les allumer! s'exclama l'enfant."

Félicité plaça la dernière citrouille sur la table basse du salon, et alluma la bougie qui se trouvait à l'intérieur: l'ambiance était posée.

Il ne resta plus pour Kilian qu'à sortir dehors pour récolter autant de friandises que possible.

"On ne rentrera pas trop tard! indiqua Akim en enfilant sa veste."

Il n'était bien sûr pas question de laisser sortir leur enfant seul, alors qu'il faisait déjà nuit. Et c'était tant mieux, car Kilian était ravi de sortir avec son papa.