24/11/2016

Chapitre #15: Un ange capricieux

Félicité avait du reprendre le travail, et Akim prenait son rôle de père très à coeur. Il accourait dès qu'il entendait son fils pleurer, pour tenter de sécher au plus vite ses larmes. Il lui paraissait étrange d'être à la maison, tandis que sa femme travaillait, ils formaient un couple en dehors de la norme: pourtant, ils fonctionnaient très bien ainsi et étaient heureux.

Son épouse s'épanouissait dans sa vie professionnelle, alors que lui-même n'avait jamais eu vraiment envie de s'enfermer dans une routine telle que la sienne. A la maison, il pouvait faire ce qu'il voulait une fois les tâches ménagères effectuées. Il pouvait continuer à faire de la musique, même s'il ne se rendait plus dans le lieu de culte du centre-ville. Avec Gabriel, il ne songeait même plus à sortir seul de la maison.
La jeune femme se sentait plus heureuse que jamais. Elle gravissait de nombreux échelons dans sa carrière, et le temps où elle n'était que livreuse de journaux lui semblait bien éloigné. Elle avait un poste avec de plus grandes responsabilités, et s'occupait de mener de nombreuses interviews dans toute la ville.

On aurait pu penser que mener de front vie familiale et vie professionnelle pouvait être compliqué, mais il n'en était rien. Elle avait des horaires plutôt souples, et se trouvait à la maison au milieu de l'après-midi, si bien qu'elle pouvait s'occuper de son fils, et lui apporter toute la tendresse dont il avait besoin.

Elle avait peine à croire qu'il puisse être si bruyant durant la journée, puisque dès qu'il se trouvait dans les bras de sa mère, on ne l'entendait plus.
"Tu lui manques! la taquina Akim en se mettant aux fourneaux.
-Mais je suis sûre qu'il se sent très bien avec son papa! Peut-être que ses dents sont en train de pousser..."

Son mari hocha la tête, après tout, il commençait à avoir l'âge où les premières dents devaient sortir. Pendant que Félicité donnait le biberon à leur enfant, il s'occupa du repas du soir. Il avait développé un goût tout particulier pour la cuisine, et avait commencé à collectionner les recettes de cuisine qu'il trouvait intéressantes.

Il aimait tester de nouvelles choses, ce qu'il pouvait se permettre en tant que père au foyer.
Mais, bientôt, Félicité recommença à avoir la nausée dès qu'elle se levait le matin. Son estomac recommençait à faire des siennes, si bien qu'elle ne pouvait rien avaler avant la moitié de la matinée, sous peine de vomir tout ce qu'elle avait mangé.

Elle n'osa d'abord rien dire à Akim. Il était inutile de lui donner une fausse joie, et elle n'était absolument pas en retard dans ses règles. Elle pouvait tout aussi bien avoir mangé quelque chose qui ne passait pas, ou être tombée malade. Au bureau, il était facile d'attraper les microbes de ses collègues.

Elle décida donc de continuer à faire comme si de rien n'était, jusqu'à ce que d'autres signes d'une éventuelles grossesses apparaissent.
Quand elle était plus jeune, elle n'avait jamais émis le désir de fonder sa propre famille, ni d'avoir des enfants. Elle qui avait grandi loin de tout, ne s'était pas permis de rêver plus loin qu'une vie longue et heureuse.

A présent, elle avait une belle maison, un mari aimant, et un premier enfant. Elle se rendait alors compte qu'elle ne voulait pas s'arrêter là, elle voulait plus d'un enfant sous son toit: c'était la raison pour laquelle elle et Akim avait décidé, d'un commun accord, d'arrêter de prendre tout moyen de contraception. Mais cela ne signifiait pas pour autant qu'elle allait reprendre la pilule lorsqu'ils auraient un deuxième enfant.

Peut-être après un troisième. Peut-être pas. Et cela ne l'empêcherait pas non plus de continuer à travailler, ce qu'elle voulait absolument préserver.
Gabriel ne tarda pas à grandir plus vite que ce que ses parents auraient bien voulu. Ses cheveux poussèrent, et l'évidence même était qu'il ressemblait en tout points à son papa. C'était un petit garçon plein de vie et vif d'esprit, qui avait toujours son mot à dire dans la maison.

Akim lui avait installé plusieurs espaces de jeu: l'un dans sa chambre, et l'autre dans le salon. De cette façon, il pouvait le surveiller, qu'il se trouve à l'étage ou non.

"Maman?
-Maman rentre tout à l'heure mon poussin, tu le sais bien!"
Une relation particulière avait commencé à s'établir entre le père et le fils. Ils partageaient beaucoup de choses ensemble, et maintenant qu'il était un peu plus grand, Akim n'hésitait pas à se promener dehors avec lui, pour lui faire découvrir les environs de la ville.

Parfois, Gabriel était ravi de prendre l'air, mais d'autres fois, il entrait dans des colères noires parce qu'il ne voulait pas rester dans sa poussette. Il voulait tout faire comme les grands, malgré le fait qu'il ne savait pas encore marcher seul.

Alors, dans ces moments de rebellions, Akim l'emmenait sur le port. C'était un endroit calme et paisible, où l'enfant finissait par s'endormir. Il n'avait alors plus qu'à s'asseoir sur un banc, un livre à la main, pour profiter de l'après-midi.
Assise devant son ordinateur pour rédiger un article, Félicité referma tout à coup son écran. La vue de son écran lui donnait de plus en plus la nausée, et elle fut cette fois-ci pratiquement certaine d'être tombée enceinte une nouvelle fois.

Elle ferma les yeux, et tenta de respirer calmement, pour dissiper ses nausées. Si sa nouvelle grossesse se révélait incompatible avec le numérique, cela risquait de compliquer les choses, mais le premier trimestre n'avait déjà pas été facile lorsqu'elle s'était trouvée enceinte de Gabriel.

Elle laissa ses affaires en plan, et s'allongea sur le canapé.
Quand Akim revint en fin d'après-midi de sa promenade avec Gabriel, elle s'était changée et avait enfilé des vêtements un peu plus amples et plus confortables. Après s'être longuement observée dans le miroir de la chambre, elle s'était demandé si, finalement, son mari ne se doutait pas déjà de quelque chose. Il connaissait son corps par coeur, et ne pouvait pas être passé à côté de son ventre bien moins plat que d'habitude.

"Akim, je peux te parler? demanda-t-elle quand il posa leur fils à terre.
-Bien sûr."

Il prit place en face d'elle et attendit. Elle ne put s'empêcher d'étouffer un rire, avant de prendre la parole.

"Eh bien... J'imagine que tu le sais déjà, mais je crois bien que je suis à nouveau enceinte."
Le sourire qui s'afficha sur le visage de son mari ne trompait pas: il avait bien remarqué, depuis quelques temps déjà, que le corps et la physiologie de son épouse étaient en pleine transformation. Il se leva et se plaça derrière elle, pour l'embrasser et la serrer contre lui. Cette nouvelle le rendait heureux, bien plus qu'elle ne pouvait l'imaginer.

Ce fut à ce moment que Gabriel décida qu'on ne s'occupait pas assez de lui, et il se mit à pleurer. Sa mère courut à sa rencontre et le prit dans ses bras.

"Tu dois avoir faim mon chéri, je vais te préparer quelque chose!"

Elle le plaça dans sa chaise haute, mais il était difficile de combler les caprices de leur petit ange.
En se couchant ce soir-là, Félicité rechercha activement le contact de son mari, et elle le serra contre elle. Il l'embrassa une dernière fois, puis éteignit la lumière, et le couple se retrouva plongé dans l'obscurité.

Il n'y avait pas besoin de mots pour que chacun comprenne ce que l'autre pensait. On n'entendait plus Gabriel, qui avait fini par s'endormir après une nouvelle crise de pleurs.

La jeune mère s'empara fébrilement de la main de Akim, et la serra dans la sienne. Elle avait connu la solitude, et maintenant qu'elle en était sortie, elle ne comprenait pas comment elle avait pu survivre jusqu'à présent. C'était une pensée insupportable que de s'imaginer qu'elle pourrait tout perdre.

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