05/09/2016

Chapitre #3: La colocation

Jambe tendue, bras levés, tenir la position... Félicité aimait prendre quelques instants de sa journée, ne serait-ce que quelques minutes, pour faire un peu de yoga. C'était une façon pour elle de se détendre et d'évacuer les tensions qui auraient pu s'accumuler en elle. Elle aimait se dire qu'elle avait un train de vie sain, et qu'elle pourrait vivre longtemps, au contraire de sa mère qui était tombée très malade, avant de mourir.

"Alors, on y va? demanda Elsa en entrant dans la pièce, vêtue d'une robe.
-Je me change, et je suis prête!"

Elles avaient décidé de passer la journée ensemble, pour célébrer leur nouvelle amitié, et leur colocation toute fraîche.
Elsa possédait une voiture, ce qui ravissait Félicité: les déplacements étaient beaucoup plus simples et rapides, et elles pouvaient se rendre où bon leur semblait. Malgré son petit budget, elle avait insisté pour offrir à sa nouvelle amie quelques vêtements, étant donné la petite taille de sa garde-robe. Elsa s'était sentie gênée, mais également très heureuse de pouvoir changer de look.

"Tu es une vraie amie, merci!"

Depuis qu'elles vivaient ensemble, elles s'étaient beaucoup rapprochées, et en avaient appris un peu plus l'une sur l'autre. Cependant, Félicité n'avait pas encore franchi le pas, et n'avait rien dévoilé de ses origines. C'était un secret qu'elle tenait à garder pour elle, du moins, pour le moment.
Au bout de quelques minutes, la voiture se gara sur le parking de la bibliothèque. Félicité n'avait toujours pas de quoi se payer un ordinateur, mais elle avait pourtant besoin d'internet pour progresser dans sa carrière. Elle ne voulait pas rester livreuse de journaux toute sa vie, et une certaine ambition avait commencé à  germer dans son esprit: la branche du journalisme lui plaisait bien, et ce serait pour elle un moyen fantastique de raconter les aventures de sa famille.

Elsa, quant à elle, avait l'intention de trouver un autre job: elle ne voulait pas vivre aux dépens de son amie.

"Tu as trouvé quelque chose? demanda Félicité quand elles se retrouvèrent à la sortie.
-Non, rien pour le moment... Mais je ne désespère pas!"
Elsa lui sourit, preuve qu'elle pensait bien décrocher un poste dans les jours à venir.

"Et si je t'invitais au resto? Pour te remercier de ton hospitalité!
-Oh, tu es sûre? 
-Je ne suis pas si près de mes économies que ça, tu sais... Je peux bien payer un repas!
-Si tu insistes, ça me va!
-Viens, je connais un endroit où on mange bien, et pour pas cher!"

Elle lui attrapa le bras, et l'emmena dans une petite rue en bord de mer. Elles entrèrent dans un restaurant aux allures très pittoresques, et s'installèrent en terrasse, où elles partagèrent un excellent repas.
La vue était splendide, et donnait directement sur la baie de Plavi Raj. Félicité n'en avait pas terminé de découvrir les plus beaux endroits de la ville, et à chaque fois, elle se sentait émerveillée par les beautés que l'homme pouvait avoir construites. Elle avait toujours pensé que seule la nature avait ce pouvoir.

"Tu es en congés demain? demanda Elsa alors qu'elles prenaient l'air sur un banc.
-Oui, je ne travaille pas les week-end.
-Tu veux sortir?
-Est-ce qu'on n'est pas déjà dehors? répondit-elle peu sûre d'elle.
-Je veux dire, aller s'amuser! Tu n'es jamais sortie le soir je parie, à part dans le bar où nous nous sommes rencontrées...
-Non, tu as raison. Où voudrais-tu m'emmener?"
Elsa lui sourit et lui prit la main.

"Viens, suis-moi!"

Elles montèrent à nouveau en voiture, et la jeune femme l'emmena un peu plus à l'extérieur de la ville. Elles s'arrêtèrent devant un bâtiment blanc, très lisse et très moderne, duquel on pouvait entendre de la musique.

"C'est une boîte de nuit, un endroit merveilleux dans lequel on peut s'amuser toute la nuit!"

Elle attira son amie dans les vestiaires, où elles se changèrent pour une tenue plus appropriée, et Félicité se sentit entraînée sur la piste de danse.

"Ouah, quel bruit!
-C'est pour mieux en profiter! Allez, montre-moi comment tu danses!"
Contaminée par la fièvre danseuse de son amie, Félicité ne se sentit aucunement gênée en s'avançant au milieu de la piste, et ce fut avec plaisir qu'elle commença à lever les bras et à bouger les hanches. Elsa éclata de rire.

"Oui c'est bien comme ça, bravo!"

Elle lui montra ensuite une salle spéciale, d'où s'échappaient de la fumée et des bulles de couleurs. Elles s'installèrent devant un appareil que Félicité n'avait jamais vu auparavant, et Elsa en tira une grosse bouffée de fumée.

"Qu'est-ce que c'est? demanda Félicité.
-Ça, c'est ce qui te fait te sentir immédiatement bien! répondit Elsa, l'air un peu rêveur".
Félicité l'observa durant quelques instants, ne sachant pas si elle devait l'imiter.

"Qu'est-ce que tu attends? demanda tout à coup Elsa. Viens vite!"

La jeune femme vint alors s'asseoir auprès d'elle, et Elsa lui tendit l'objet, en lui indiquant comment procéder.

"C'est sans risque au moins? demanda Félicité.
-T'inquiète! Tu verras que ça te fera passer la plus belle soirée de toute ta vie!"

Félicité se mit alors à aspirer la fumée les yeux fermés, ayant parfaitement confiance en son amie. Que pouvait-il lui arriver? Le plus amusant, c'était que lorsqu'elle soufflait, de jolies bulles sortaient et allaient se promener dans la pièce. Elle se sentait merveilleusement bien.
Lorsqu'elles sortirent de la pièce, Elsa avait un peu la voix rauque, et Félicité lui proposa un verre pour se rafraîchir la gorge.

"Je veux bien, je meurs de soif!
-Si j'avais su, j'aurais emporté une bouteille d'eau.
-Tu plaisantes, ici, on ne boit pas d'eau! Je vais te faire découvrir mon cocktail préféré, tu devrais l'adorer!"

Elle commanda deux verres, qu'elles levèrent en signe de leur amitié.

"Délicieux, tu ne trouves pas?
-Absolument!"

Il était bien tard lorsqu'elles rentrèrent chez elles, et s'écroulèrent sur le lit. Félicité n'avait plus toutes les idées en place, à cause de ce qu'elle avait bu et fumé, et c'était une chance que Elsa ait pu conduire jusqu'à la maison. Le dimanche promettait d'être un jour de repos, mais Félicité ne pouvait cependant pas rester à la maison: c'était le jour de la lessive, et elles avaient accumulé beaucoup de linge sale depuis le début de la semaine.

Elle se leva sans réveiller son amie, et prit la pile de linge sous le bras, avant de se rendre à la laverie automatique la plus proche. Ça non plus, elle n'avait pas le luxe de pouvoir se l'offrir chez elle, aussi tentait-elle d'économiser un maximum de machines.

"Il pleut..." se dit-elle en sortant.
Elle marcha tranquillement dans la rue, un parapluie ouvert pour se protéger de la pluie. L'air était frais, elle avait l'impression que l'automne n'allait pas tarder à arriver.

Elle enfourna son linge dans l'une des machines, ajouta la lessive, puis s'installa devant la télévision mise à disposition des clients. C'était idéal pour patienter, étant donné qu'il fallait pratiquement une heure pour que le linge soit propre. Aussi étonnant que cela pouvait paraître, elle y rencontra un enfant, un jeune garçon qui semblait lui aussi attendre son linge.

"Ta maman est partie? lui demanda-t-elle.
-Non, elle est à la maison, et elle m'a demandé d'apporter le linge sale."

Elle hocha la tête, il lui semblait bien jeune pour ce genre de travail.
A son retour, Elsa était réveillée et semblait en pleine forme. Elle l'aida à plier et ranger le linge, et Félicité remarqua qu'elle avait même fait un peu de ménage dans l'appartement.

"Tu es géniale, merci!
-C'est normal, après tout, nous vivons sous le même toit! Par contre, j'ai un peu faim... Et j'ai peut-être un don pour concocter des boissons, mais pour la cuisine, c'est une autre paire de manche tu sais!
-Ah ah, rit-elle, je vois! Bon, une salade légère, ça devrait le faire pour ce soir j'imagine.
-Après tout ce qu'on a bu et mangé hier, j'imagine que oui!"

Elsa alluma la télévision et s'installa sur le nouveau canapé qu'elle avait trouvé à moindre prix: il n'était pas neuf, et encore moins joli, mais c'était mieux que rien pour remplacer celui que Félicité s'était fait voler.
Comme elle l'avait redouté, l'automne était arrivé beaucoup plus vite que prévu, laissant le soleil de côté, et amenant plus de nuages et de pluie sur la ville. Félicité avait du changer sa tenue en conséquence, et elle regardait la météo tous les matins avant de partir au travail, pour être sûre qu'elle n'allait ni avoir trop chaud, ni trop froid.

Elsa n'avait toujours pas trouvé de boulot, mais s'investissait dans les travaux de la maison. Lorsqu'il fallait faire le ménage, ou qu'une fuite avait inondé le sol, Félicité lui laissait toujours un petit mot avant de partir le matin, et elle retrouvait l'appartement en meilleur état qu'il ne l'était le matin même.

Tout semblait parfait, peut-être même un peu trop, mais Félicité ne s'en souciait pas. Pour elle, c'était naturel, une amitié s'était forgée entre les deux jeunes femmes, et cela lui permettait de se concentrer sur d'autres aspects de sa vie.
Elle avait en effet obtenu sa première promotion, et était rentrée à la maison très heureuse ce soir-là. Elsa avait sorti les verres à cocktail, et servi une composition de son cru, et elles avaient fêté cela aussi dignement que possible.

"Qu'est-ce que tu vas faire avec cette prime? demanda-t-elle avec des étoiles dans les yeux.
-Oh, je ne sais pas si je vais la dépenser! J'aimerais avoir quelques économies...
-Allez, tu devrais te faire plaisir de temps en temps!
-Je sais, mais en cas de coup dur, avoir de l'argent de côté serait une bonne idée. Et si un jour je veux quitter cet appartement, ce serait plus facile d'avoir un prêt si la banque voit que j'ai une rentrée d'argent solide, et de quoi payer un morceau!
-Tu fais comme tu veux, mais moi je pense que tu devrais quand même en garder un peu pour t'acheter ce qui te fait envie!"
Félicité ne pouvait pas dire qu'elle n'achèterait rien pour se faire plaisir, mais ce qu'elle savait, c'est qu'elle ne voulait pas vivre éternellement dans ce petit appartement. Elle rêvait d'une maison un peu plus grande, avec plusieurs chambres, et pourquoi pas un peu plus proche du centre-ville. Les trajets pour aller faire les boutiques étaient longs, et elle ne demandait pas mieux que de pouvoir les raccourcir.

Elle continuait à croire que Elsa n'allait pas tarder à trouver un travail, et qu'avec un double salaire, les dépenses allaient s'alléger. Acheter une machine à laver, un ordinateur, et pourquoi pas un vélo, voilà les achats qui lui semblaient les plus urgents pour le moment. Elle les gardait dans un coin de sa tête, en attendant que les salaires arrivent en nombre.
Un après-midi d'automne, elle décida d'aller se promener en bord de plage après ses heures de travail. Elle ne passait plus tout son temps à la bibliothèque, Elsa avait su la convaincre de profiter de la vie autrement que par son boulot, même si elle avait hâte de grimper davantage d'échelons.

En arrivant près de la mer, elle reconnut immédiatement le jeune homme qui se baignait: c'était l'organiste qu'elle avait rencontré dans l'église.

"Vous n'avez pas peur d'attraper froid! s'exclama-t-elle.
-J'aime bien me baigner à l'automne et au printemps, l'eau froide, ça fait du bien!"

Il sortit, puis se rhabilla rapidement.

"Excusez-moi, je suis bien mieux présentable ainsi! Je m'appelle Akim, ajouta-t-il.
-Enchantée, je suis Félicité!"
Il hocha d'un signe de tête, avant de la reconnaître.

"N'est-ce pas vous qui êtes venue me voir il y a quelques semaines à l'église?
-Oui! J'avais promis de revenir vous écouter, mais j'ai été tellement débordée... Avec le boulot, ce n'est pas facile de se dégager du temps libre.
-Je comprends! Je joue pour mon bon plaisir, mais il y a peu de gens qui viennent vraiment pour m'écouter. La plupart des fidèles sont là pour écouter la messe, dire quelques prières, puis ils s'en vont.
-J'ai cru comprendre que la foi était très importante pour certains..."

Elle se tut, ne sachant pas quoi ajouter. Cet homme l'intimidait un peu, elle n'avait jamais eu de vrais contacts avec quelqu'un du sexe opposé, et elle sentait qu'elle ne pouvait pas avoir les mêmes rapports avec lui que ceux qu'elle avait avec Elsa.
Ils prirent place sur les chaises du bord de plage, et bavardèrent d'un peu de tout: elle apprit qu'il n'avait pas vraiment de travail, et que l'église lui donnait une petite subvention pour ses prestations musicales. Elle lui raconta qu'elle était arrivée seule, et qu'elle travaillait dans les locaux de la presse, mais qu'elle espérait ne plus avoir à compter les feuilles de journaux très bientôt. Son ambition était modeste, la sienne n'était pas plus haute.

Le soleil se couchait tôt à présent, et des nuages gris s'amoncelaient déjà dans le ciel quand ils levèrent les yeux au-dessus de leur tête.

"Est-ce que je peux vous inviter à dîner? proposa Akim. Je n'ai pas les moyens de manger dans les plus grands restaurants de la ville, mais je connais un petit endroit bien sympathique, où on mange correctement...
-Avec plaisir, répondit-elle, heureuse d'avoir un nouvel ami."

3 commentaires:

  1. La colocation a l'air de bien se passer, mais ce serait encore mieux si Elsa avait un travail...
    Il est bien mignon ce Akim... :3

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  2. Un travail de plus, ce ne serait pas de refus!
    Chou oui Akim :3

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  3. Wouaaa ! Le beau gosse ! Sympa la colocataire, mais oui, un peu de boulot ça aiderai quand même un peu !

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