29/08/2016

Chapitre #2: La femme du bar

Dans son petit appartement, Félicité avait eu la bonne surprise de découvrir qu'il y avait un poste de télévision. Sa mère lui en avait souvent parlé, et c'était avec curiosité qu'elle avait appris à maîtriser cet objet. Sa chaîne préférée était celle qui parlait de cuisine: on apprenait tous les jours des plats nouveaux qu'elle avait hâte de préparer elle-même. Elle savait faire des salades et un plat de pâtes, mais elle comptait bien apprendre de nouvelles recettes.
Ayant décidé de ne pas passer toute sa journée devant l'écran, elle enfila sa paire de chaussures, et se rendit dans le centre de la ville. Elle était toujours admirative devant l'architecture de l'endroit, plus pittoresque que jamais. Ce qu'elle aimait surtout, c'était la grande église qu'on voyait depuis la place centrale. Elle était haute et imposante, et elle était curieuse de voir à quoi ressemblait l'intérieur.

Elle fut impressionnée par la hauteur des plafonds. Elle n'avait jamais vu une telle pièce, tout était fait pour que la démesure soit immédiatement perceptible. Des bougies avaient été allumées sur certaines tables, sans doute les témoins de prières d'infortunes.

Quand elle entendit quelques notes de musique surgir dans les airs, elle se retourna et leva les yeux: quelqu'un jouait sur l'orgue de l'église. Elle s'approcha doucement de l'organiste, et attendit qu'il ait terminé pour applaudir.

"Bravo, c'était très beau!
-Merci, mademoiselle!"

Elle lui sourit, puis le laissa à nouveau s'emporter dans le rythme des notes. Elle se promit de revenir l'écouter bientôt, l'orgue avait un son très apaisant.
Lorsqu'elle se retrouva à nouveau dehors, la soirée était sur le point de commencer. Elle n'avait pas très envie de se retrouver seule devant une assiette de pâtes, et décida d'aller dîner dans un des bars du centre-ville. Parmi les restaurants qu'on pouvait y trouver, il y en avait qui rentraient tout à fait dans son budget.

Elle s'installa au bar sur l'un des tabourets, et une serveuse vint presque immédiatement.

"Bonsoir madame! Vous attendez quelqu'un ou je peux prendre votre commande?
-Bonsoir, non je suis seule.
-Oh c'est dommage une demoiselle qui dîne seule!"
Félicité lui adressa un sourire timide, avant de lui répondre.

"Je suis nouvelle par ici, alors... on ne peut pas dire que j'ai des tas d'amis.
-Je comprends, répondit la serveuse en hochant la tête. Ce n'est pas facile de quitter les siens pour s'installer dans une autre ville! Alors, qu'est-ce que ça sera?
-Une part de pizza s'il vous plaît, avec un verre d'eau!
-Je vous apporte ça tout de suite!"

Elle disparut derrière une porte, et la jeune femme eut tout le temps de détailler l'endroit, avant que son repas n'arrive. Quand la serveuse revint, elle avait un sourire.

"Et voici votre part de pizza! Au fait... je m'appelle Elsa."
Félicité eut un instant d'hésitation, puis elle lui répondit avec le même sourire.

"Je suis Félicité. On peut se tutoyer?"

Elsa approuva, et tandis qu'elle servait les autres clients au bar, la conversation s'installa entre les deux jeunes femmes. Félicité apprit que sa nouvelle amie travaillait depuis peu dans cet endroit, et qu'elle aussi avait fraîchement débarqué à Plavi Raj. En somme, elles avaient plusieurs points communs. Elle essayait de se faire un peu d'argent et d'avoir des économies, afin de se payer un appartement un peu plus joli que celui qu'elle louait pour le moment.

"C'est pas facile de démarrer dans la vie, avait-elle ajouté en offrant un verre à Félicité.
-Non, tu as raison.
-Cependant, je m'y connais déjà un peu plus que toi dans cette ville... ça te dirait que je te fasse visiter demain?"
L'invitation était inattendue, mais Félicité accepta avec joie. Il serait beaucoup plus amusant de parcourir la ville avec quelqu'un, plutôt que de flâner dans les rues seule. Comme l'avait dit Elsa, il était triste de se trouver dans une aussi grande ville, sans avoir personne à qui se confier. Elle ne pouvait pas se vanter d'avoir eu des amis à l'école, ni d'avoir des relations excellentes avec ses collègues.

Elle se coucha, impatiente d'être le lendemain. Elsa lui avait donné rendez-vous au grand parc qui se trouvait aux extrémités de la ville, là où se déroulaient toutes les fêtes importantes. Elle avait des tas de choses à lui demander, mais aussi à lui raconter: elle voulait en apprendre plus sur les coutumes de ce pays, et en même temps lui apprendre ses propres habitudes.

Pour une fois, elle s'endormit le sourire aux lèvres.
Un bruit étrange la réveilla pourtant au beau milieu de la nuit. Elle attendit quelques minutes dans l'obscurité avant de se lever. Quelqu'un venait d'entrer dans son appartement, elle en était certaine. Comment était-ce possible? Elle était certaine d'avoir fermé la porte à clé! Depuis qu'elle avait su qu'on pouvait empêcher les gens d'entrer chez soi, elle ne manquait jamais à cette règle, elle se sentait plus en sécurité.

Il fallait croire que c'était une mesure qui n'était pas suffisante. Elle entrouvrit la porte de sa chambre, suffisamment pour voir un homme en train de dépouiller son salon. Silencieusement, elle se rua sur le téléphone pour appeler la police, puis se blottit dans un coin, affolée.

Elle espérait de tout son être que le cambrioleur n'aurait pas l'idée d'entrer dans la chambre.

Ce fut en effet l'agent de police qui vint la déloger de sa cachette. Le voleur était apparemment parti, il n'avait pu emporter que quelques objets ayant peu de valeur, ainsi que le canapé.

"Il semblerait qu'un bruit l'ait dérangé pendant son travail, expliqua la policière.
-C'est horrible! Comment a-t-il pu rentrer ici, j'étais certaine d'avoir fermé à clé!
-Il a du crocheter la serrure. Vous devriez installer un verrou, c'est plus sûr. Bref, ne vous inquiétez pas, nos agents sont sur le coup et vont tenter de retrouver vos meubles. Il faudra juste signer cette déposition.
-Oui, bien sûr..."

Félicité eut du mal à se rendormir, et dès la première heure de l'aube, elle prit rendez-vous avec le serrurier pour renforcer les verrous de sa porte.
La jeune femme était heureuse d'avoir quelque chose à faire de sa journée: elle ne voulait pas avoir à ruminer cet événement nocturne pendant longtemps, et la présence de Elsa pouvait l'aider à oublier cet incident regrettable. Alors qu'il était près de midi, elle prit la direction du parc, dans lequel de nombreux stands étaient déjà installés. Il faisait chaud, mais quelques nuages commençaient à couvrir le ciel.

Ne sachant pas très bien où se mettre, elle décida d'acheter quelque chose à grignoter, en attendant l'arrivée de son amie. Elle avait le ventre vide, et elle ne lui en voudrait sans doute pas de ne pas l'avoir attendue.

Elle visa son assiette, et le temps se dégrada. La pluie commença à tomber du ciel, et, au bout de deux heures d'attente, Félicité fut bien obligée d'admettre que son amie l'avait oubliée. Le coeur lourd, elle quitta le parc.
Alors qu'elle allait entrer dans la station du métro pour retourner chez elle, une silhouette lui parut étrangement familière. Elle la reconnut au bout de plusieurs minutes: c'était Elsa. Elle n'avait plus vraiment envie de lui adresser la parole, mais une voix au fond d'elle la poussa à chercher des explications.

"Hé!"

Elle l'appela, et la suivit à l'intérieur du bâtiment. Il s'agissait du bowling de la ville, un endroit très apprécié des jeunes pour passer un bon moment.

"Hé, Elsa!"

Elsa se retourna, et un sentiment de malaise passa sur son visage en reconnaissant Félicité.

"Oh..."
Félicité croisa les bras.

"Alors comme ça, tu viens passer la soirée ici?
-Je suis vraiment désolée, je vais t'expliquer...
-M'expliquer pourquoi tu m'as dit qu'on allait passer une super journée et pourquoi je l'ai terminée seule sous la pluie?"

Un sourire triste passa sur les lèvres d'Elsa.

"Je te promets que je voulais venir, mais...
-Mais?
-J'ai eu... J'ai eu un imprévu."

La jeune femme n'était pas convaincue, et elle était prête à tourner le dos à son interlocutrice, lorsque cette dernière la rattrapa par le bras.

"Attends! Je..."
"Je voulais venir et puis... j'ai eu des soucis avec le propriétaire de mon logement."

Félicité sentit ses muscles se détendre.

"J'ai énormément de retard dans le paiement de mon loyer et de mes factures, c'est pas avec mon boulot de serveuse que je vais m'en sortir, et... et j'ai fini par être expulsée."

Son amie ouvrit de grands yeux.

"Oh, mais tu aurais du me le dire tout de suite! Tu ne veux quand même pas dire que...
-Si, je suis à la rue maintenant. Je suis passée à la mairie pour avoir un nouveau logement mais... Etant donné mes antécédents...
-C'est horrible! Je ne peux pas te laisser comme ça...
-Je vais bien finir par trouver quelque chose.
-Non! Tu vas venir chez moi!"

Ce faisant, Félicité héla une hôtesse d'accueil pour réserver une piste.
"Tu... Tu es sûre de toi? demanda Elsa étonnée.
-Bien sûr! On pourra se partager le loyer comme ça, ce sera beaucoup moins lourd pour toi comme pour moi!
-Tu es tellement généreuse!
-Je ne peux pas laisser une amie dans le besoin à la rue... Alors tu es partante?
-Seulement si tu veux vraiment de moi!"

Félicité était légèrement surprise par l'insistance de la jeune femme, et Elsa répondit à ses questions silencieuses.

"C'est que j'ai souvent l'habitude d'entraîner les autres dans ma chute, alors...
-Ne dis pas de bêtises voyons. Je vais te sortir de là."

2 commentaires:

  1. C'est cool que Félicité se soit fait une amie, ça lui fera de la compagnie et la sortira de la monotonie c:

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