12/09/2016

Chapitre #4: Instrospection

Assise près de la fenêtre, Félicité se sentait d'humeur rêveuse. Les feuilles d'automne étaient toutes arrivées, un bel orange habillait chacun des arbres de la ville. Ce qui la préoccupait n'avait cependant rien à voir avec les saisons, et elle soupira.

"Tu sais combien de temps tu es restée assise là depuis le début de la semaine? lui fit Elsa en entrant dans la pièce. Arrête de te tourmenter!"

Elle lui pinça les hanches, et la fit basculer en arrière. Surprise, Félicité ne put s'empêcher de rire, et elle se retrouva sur les genoux de son amie.

"J'aimerais que les choses soient aussi faciles qu'entre nous. Avec les garçons, tout a l'air plus compliqué..."

Elsa replaça quelques uns de ses cheveux, elle était toujours très maternelle avec son amie.
"Si tu ne veux pas te lancer, va dehors, aère-toi. Tu y verras peut-être plus clair dans tes sentiments."

Au moment où elle hochait la tête, son portable sonnait: c'était Akim qui l'appelait pour prendre des nouvelles. Depuis qu'ils avaient partagé ce dîner, ils s'étaient souvent appelés, et ils étaient même sortis ensemble pour faire quelques courses. Jamais rien de très concret, ou qui fasse rendez-vous amoureux, c'était pourquoi Félicité ne savait pas tellement où elle en était.

Elle décrocha, puis s'isola dans la chambre pour pouvoir converser en toute tranquillité. Ce n'était pas comme s'ils s'appelaient tous les jours, mais c'était presque le cas. Ils étaient rapidement devenus de très bons amis, encore fallait-il savoir où se situaient les frontières de l'amitié.
Quand elle raccrocha, la matinée était loin d'être terminée, et elle se rendit au centre-ville, à la bibliothèque. Elle avait encore du travail à faire, ce n'était pas parce qu'elle avait eu le droit à quelques jours de congés, qu'elle pouvait se permettre de se reposer sur ses deux oreilles. Il y avait tant d'articles à écrire, tant de relecture à faire, tant de choses qui pourraient lui permettre de grimper quelques échelons de plus.

Elle s'installa devant l'écran d'un ordinateur et commença à écrire quelques mots. Elle eut l'impression que cette séance n'était pas aussi fructueuse qu'elle l'aurait pensé. Non seulement elle n'avançait pas très vite, mais en plus, elle ne cessait de penser à Akim, alors qu'elle aurait voulu le sortir de son esprit.
Quand elle l'expliqua à Elsa, cette dernière secoua la tête.

"Je t'ai demandé de t'aérer l'esprit, pas de te bourrer de travail. C'est la pire des choses pour essayer de penser à autre chose! Va dehors, profite de l'air frais...
-Et tu crois qu'après ça je me sentirai mieux? Ça me paraît douteux comme méthode...
-J'aurais bien autre chose à te proposer, mais tu n'as pas l'air d'avoir bien supporté les cocktails de l'autre soir.
-Très bien, très bien, je vais aller faire un tour."

Elle s'empara de la vaisselle sale, puis la nettoya avant de se préparer.
Lorsqu'elle sortit, le ciel était étonnamment bleu. C'était une belle journée, une journée comme on en n'attendait plus en cette saison. Elle décida de partir à pied, elle s'était beaucoup rendue dans le centre ville dernièrement, mais elle n'avait pas encore arpenté les alentours de l'appartement, ou du moins très peu.

Il y avait un chemin qui s'avançait parmi les buissons, et elle décida d'y bifurquer. Elle s'éloigna ainsi un peu plus de la civilisation, entrant ainsi totalement dans la végétation nombreuse et encore fleurie de Plavi Raj.

Elsa avait raison, elle se sentait déjà beaucoup plus calme.
Parmi les buissons, elle tomba tout à coup sur une roulotte aux couleurs des plus vives. Un panneau indiquait Nina la medium vous dit tout de votre avenir!. Elle hésita un moment, mais après tout, elle n'avait absolument rien à perdre. Elle ne croyait pas pas à ce genre de choses, mais c'était une expérience qui pouvait se révéler utile et lui ouvrir les yeux. Elle toqua, et une jeune femme mystérieuse lui ouvrit la porte de la caravane, avant de l'inviter à s'asseoir parmi des boules de cristal et des poufs chatoyants.

Félicité lui donna un billet, et la seule chose que la jeune femme fut capable de lui révéler fut:

"Méfiez-vous de la personne toute de orange vêtue..."

Elle en ressortie déçue. Elle ne connaissait personne qui soit habillé en orange. Elle avait perdu son temps, bien sûr, et son argent.
Elle retourna un peu plus vers les habitations, puis se dirigea vers l'immense place centrale, sur laquelle elle avait déjà vu plusieurs personnes jouer au golf. Ce jour-là, il n'y avait personne, et elle pouvait flâner sans être interrompue par quiconque. C'était fou le nombre de gens qui pouvait avoir envie de vous parler, alors que vous ne les connaissez pas et que vous ne souhaitez qu'un peu de tranquillité...

Elle s'avança jusqu'au centre du plateau, là où une petite mare artificielle avait été construite, en guise d'obstacle pour le golf. On pouvait y voir quelques poissons, et l'eau clapotait doucement.

Félicité s'y perdit un moment, jusqu'à ce qu'elle perçoive son propre reflet.
C'est ce moment-là que choisit la pluie pour apparaître, et les gouttes qui tombaient du ciel effacèrent le visage de la jeune femme de la mare. Mais Félicité avait vu ce qu'elle voulait voir.

Elle sortit son parapluie pour se protéger, elle ne tenait pas à tomber malade, alors qu'elle avait besoin de travailler. Elle rebroussa chemin, contemplative.

Elle avait souvent vu ce genre de visage, notamment chez les gens qui étaient en couple, et qui se promenaient avec l'être aimé. Oui... Quand elle s'était aperçue dans la mare, elle était certaine d'y avoir décelé un peu d'amour.

Cela lui apparaissait comme une évidence maintenant: imperceptiblement, elle était tombée amoureuse de Akim.
Cela la fit sourire, parce qu'elle savait enfin ce qu'elle éprouvait, et ce qu'elle voulait. La seule chose qui continuait de la préoccuper, c'était qu'elle ne savait pas ce que Akim voulait en retour... Que représentait-elle pour lui? Etait-elle seulement une amie, ou davantage?

Elle savait qu'elle ne pourrait pas le savoir sans le lui demander. Mais elle se rendit compte qu'elle avait peur de faire le premier pas, et que, peut-être, valait-il mieux continuer à rêver seule dans son coin, plutôt que de voir son rêve se briser en mille morceaux?

C'était sur cette conclusion qu'elle se coucha le soir-même. Elle n'était pas pressée après tout... Personne n'allait le lui voler. Non?

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