05/01/2017

Chapitre #27: La faille

Kilian avait invité son ami Kenny à la maison, dans l'espoir de renouer avec lui. Il avait passé des jours, des soirées à s'inquiéter. Mais Kenny évitait toujours la conversation, Kilian était d'ailleurs étonné de voir qu'il avait accepté de venir à la maison, et qu'il avait honoré sa promesse. Il essaya de comprendre pourquoi le charme s'était rompu, pourquoi ils ne s'entendaient plus aussi bien. Et Kenny prononça cette terrible phrase:

"Ce n'est plus possible Kilian. Il vaut mieux qu'on se sépare, toi et moi."
Kilian l'emmena dans sa chambre, pour que personne ne surprenne leur conversation. Il ne comprenait pas ce qui était en train de lui arriver.

"Qu'est-ce que tu veux dire...?
-Ecoute... C'était bien ce qu'on a vécu, mais voilà. Ce n'est pas très...
-Pas très quoi?
-J'en sais rien. C'est pas très naturel, non?
-Mais... Je ne me suis jamais senti aussi bien qu'avec toi.
-Il vaut mieux qu'on arrête. C'est comme ça."

L'adolescent serra les poings, en comprenant ce que son ami était en train de renier.
"Tu ne peux pas me dire ça comme ça et puis partir! C'est complètement stupide! Tu veux dire que pendant tout ce temps, tu ne m'aimais pas?"

Kenny hocha la tête.

"Ce n'est pas ça...
-Alors pourquoi?
-Parce que j'ai envie d'avoir une famille, des enfants, et tu ne pourras jamais m'apporter tout ça. On s'est bien amusé, mais... mais ce n'est pas ce que je veux. J'ai toujours eu de l'affection pour toi, mais c'est tout. On grandit, tu ne crois pas qu'on devait laisser ces enfantillages derrière nous?
-Fiche le camp d'ici.
-Kilian, je...
-Fous le camp je te dis, sinon je te défonce!"
Kenny s'en alla rapidement, tandis que Kilian sortit rageusement ses cahiers de classe. Il avait des devoirs qui l'attendaient, et il ne voulait surtout plus penser à ce qui venait de se produire.

Mais comment se concentrer dans de pareilles circonstances? Les paroles de Kenny l'avaient beaucoup blessé. Il avait compris. Kenny n'était pas prêt à s'engager comme il avait pu l'être. S'il lui avait réussi à admettre qu'il aimait les hommes, son ami n'y avait pas réussi, et il réfutait totalement cette partie de lui.

L'adolescent ferma les yeux, le coeur en miettes.
Il repensa à ce que Kenny lui avait dit: est-ce que lui non plus n'avait pas envie d'une famille, d'enfants? Il ne savait pas, il n'avait que 17ans et se sentait beaucoup trop jeune pour penser à tout ça.

Il se saisit d'une des photos accrochées au mur, et la déchira, avant de la jeter à la poubelle. Puisqu'il en était ainsi, il ne voulait plus rien voir qui puisse lui rappeler son ami. D'ailleurs, ce n'était plus son ami.

Plus tard dans la soirée, alors que tout le monde dormait, il sortir discrètement de la maison. L'ambiance l'étouffait, il avait besoin de respirer de l'air frais.
Ses pas l'emmenèrent dans un bar pas très loin de la maison. S'il buvait un peu trop, il pourrait rentrer chez lui sans risque.

"Une vodka cerise, s'il vous plaît."

C'était une chance que la serveuse ne soit pas très attentive à ses clients. De toute façon, il avait toujours fait plus vieux que son âge, et obtenait toujours ce qu'il voulait dans les bars.
Quand il eut porté le verre à ses lèvres, il se rendit compte que boire plus que de raison n'était pas une bonne solution. Un verre, ce devait être amplement suffisant pour combler ses malheurs.

Il s'éloigna du bar pour s'asseoir à une table reculée, et sortit ses affaires de sa sacoche. Il avait pensé qu'il pourrait mieux se concentrer s'il n'était pas chez lui, et il essaya avec tant de bien que de mal de poursuivre son travail scolaire.

Ce n'était pas gagné. La soirée avançait rapidement, et il peinait à écrire quelques lignes dans son cahier.
Il fut obligé de sortir du bar, dont les portes fermaient. Il était deux heures du matin, et il ne savait pas où aller. Rentrer chez lui semblait être la solution la plus pénible.

Il erra un moment, avant d'arriver devant la bibliothèque du centre-ville. Un jour, Kenny lui avait montré comment entrer par la porte de derrière. Il connaissait même le code pour désactiver l'alarme.

Les larmes aux yeux, il entra à l'intérieur du bâtiment, avant de se coucher sur un siège. C'était toujours mieux que de dormir dehors.
Il ne dormit pas longtemps, et ce fut certainement la nuit la plus courte qu'il ait jamais vécue.

Il rentra chez lui au petit matin, et prit rapidement une douche pour effacer la fatigue de son visage. Personne ne sut jamais qu'il n'avait pas dormi à la maison cette nuit-là, et c'était tant mieux. Il n'avait pas envie de s'expliquer, du moins pas pour le moment.

Coïncidence ou non, ce jour-là, le lycée leur remis nombres de documents qui devaient les aider à choisir une orientation post-bac. Il les examina longuement.
Il n'avait jamais vraiment pensé à ce qu'il allait faire après le lycée. Il ne s'était jamais projeté dans le futur, si ce n'est qu'il avait tout juste rêvé d'une vie commune avec Kenny, un rêve qui venait de se briser en milliers d'éclats.

Quel métier voulait-il faire? Il ne savait pas.

Mais il commençait à comprendre qu'il ne pourrait pas rester ici toute sa vie. La vie chez ses parents commençait déjà à peser sur ses épaules. Il voulait partir, prendre son envol et décider lui-même de ce qu'il allait advenir de lui par la suite.
Les plans qu'il commençait à échafauder lui permettaient de penser à autre chose.

Ses parents avaient fini par comprendre son chagrin d'amour, sans même qu'il ait besoin d'en parler: il suffisait de voir sa mine triste, et son renfermement pour comprendre ce qu'il avait traversé.

"Si tu as besoin de parler de quelque chose... lui dit un matin son père en venant s'installer à table."

Kilian hésita un moment avant de lui répondre.

"J'aimerais bien partir."
"Partir? demanda Akim, intrigué.
-A l'université. J'aimerais bien poursuivre mes études, après le lycée."

Son père hocha la tête pour approuver ce projet.

"Je pense que c'est une excellente idée. Avec tes bons résultats scolaires, tu devrais avoir une petite bourse, et ta mère et moi pouvons t'aider à financer une partie de tes droits d'inscription.
-Je ne sais pas encore ce qui pourrait vraiment me plaire par contre...
-Tu as encore quelques mois pour y réfléchir. Mais je suis heureux de voir que tu commences à te projeter."

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