17/10/2016

Chapitre #9: Un nouveau chez-soi

Félicité s'était sentie dévastée par le départ de son amie. Elle avait refusé de rester plus longtemps dans cet appartement à moitié vide, et avait passé une première nuit chez Akim. Puis deux, puis trois, et les semaines avaient passé. Ils vivaient quasiment ensemble, et un jour, ils décidèrent qu'il était temps pour eux d'emménager pour de bon l'un avec l'autre. Ils avaient placé leurs économies ensemble, vendu chacune de leur maison, pour trouver un petit nid douillet bien sympathique dans le centre de la ville.
Grâce à sa situation professionnelle stable, la banque avait bien voulu accorder un prêt à la jeune femme. Il allait leur falloir plusieurs années pour le rembourser, mais c'était un prix qu'ils avaient consenti à faire, pour prendre place dans cette maison chaleureuse.

Ils étaient prêts de toutes les boutiques, à l'abri de l'hiver, et ils pouvaient maintenant profiter d'une vraie vie de couple, sans avoir à se demander quand l'autre s'en irait.
En habitant dans le centre-ville, Félicité s'était éloignée de son lieu de travail. Pour ne pas rentrer trop tard, elle ramenait alors du travail à la maison. Elle avait bon nombres d'articles à rédiger pour le journal local, et passait entre une à deux heures par jour à peaufiner son écriture.

Akim restait à la maison. Il n'avait pas vraiment de travail, on ne pouvait pas considérer son poste d'organiste à l'église comme un métier. Il recevait certes parfois une pension, mais la plupart du temps, ses prestations étaient bénévoles. C'était le salaire de Félicité qui leur permettait de vivre, et ils s'étaient mis d'accord sur ce point: pendant qu'elle irait travailler, le jeune homme s'occuperait de l'entretien de la maison.
C'était un bon compromis qui leur convenait à tous les deux. Il n'avait pas tellement envie de devoir sortir tous les jours, et elle ne souhaitait pas rester à la maison à faire du ménage.

Akim en profitait pour lui préparer des petites surprises: il l'attendait avec des bouquets de fleurs, un petit repas tout chaud fait maison, ou encore à moitié nu sur le lit. Sachant combien la jeune femme l'aimait, il n'était cependant pas difficile de la séduire ou de lui faire plaisir, chacune de ses actions la touchait beaucoup.

"Qu'aurai-je fait sans toi? lui dit-elle un soir en rentrant.
-N'y songe pas."
Il la souleva dans ses bras, et la déposa sur le bureau du salon, poussant les affaires qui le gênaient d'un coup de main. Félicité gloussa, puis elle prit son visage entre ses mains, et déposa quelques baisers sur sa bouche.

"Tu m'as attendue toute la journée? demanda-t-elle en percevant l'impatience dans le regard de son amant.
-Un peu...
-Moi j'ai beaucoup pensé à toi...
-Ah oui?
-Oui, tu me faisais plein de choses... et ça m'a beaucoup plu d'y penser...
-Quel genre de choses? souffla-t-il à son oreille."
Pendant qu'il continuait de l'embrasser et de la déshabiller, elle décrivit, d'une voix mal assurée, les images qui l'avaient hantée toute la journée. Elle rougit, par crainte qu'il ne refuse ou qu'il ne se moquer d'elle, mais il prenait son plaisir et ses désirs très au sérieux.

Elle frissonna, puis se mordit les lèvres quand il embrassa son ventre, et descendit un peu plus bas.

"Comme ça? demanda-t-il d'une voix douce et chaude.
-O...oui..."

Elle se cambra légèrement, pour profiter davantage de cet instant. Depuis qu'ils vivaient sous le même toit, ils avaient découvert que faire l'amour ne se résumait pas simplement à se retrouver sous la couette, une fois la nuit tombée, et les lieux les plus insolites devenaient témoins de leurs rendez-vous amoureux.
Quand la séance prit fin, Akim souleva la jeune femme dans ses bras, pour la poser sur le fauteuil situé à quelques pas de là.

"Le bureau n'était pas très confortable, mais... c'était parfait, fit Félicité.
-Tant mieux alors, lui sourit-il.
-La prochaine fois, ce sera à moi de prendre les devants, glissa-t-elle pendant qu'il l'embrassait.
-Qu'est-ce que tu entends par là?
-Tu verras bien!"
Leur émission de télé favorite se déroulait le dimanche soir, et ils se préparaient généralement un plateau repas qu'ils pouvaient manger, tout en regardant la télévision. Il s'agissait d'un concours télévisé de cuisine, et comme ils aimaient tous les deux prendre place derrière les fourneaux, ils notaient les idées et les conseils qui pourraient leur servir un jour.

Quand le générique s'afficha, Félicité soupira.

"Allez, direction le lit... Une longue semaine m'attend.
-Beaucoup de travail, mais un homme aimant qui t'attend à la maison pour t'aider à te détendre, dit-il pour la rassurer."
Quand elle partait le matin, le soleil n'était pas encore tout à fait levé. L'hiver était glacial et la neige ne cessait de tomber toute la journée, mais aussi toute la nuit. Heureusement, les routes étaient assez dégagées, parce que chacun s'employait à verser du sel au sol, afin que la neige fonde rapidement, pour que les véhicules puissent continuer à mener les gens sur leur lieu de travail.

Avec l'argent de la banque, le jeune couple avait pu s'offrir une voiture, mais Félicité préférait encore partir à la rédaction en co-voiturage: son permis était tout frais, et elle n'osait pas conduire avec un tel chantier sur les routes.
Quand Akim se réveilla, elle était déjà partie depuis deux bonnes heures. Sa place était froide, et il se leva rapidement. En passant dans la cuisine, il débarrassa son assiette de petit-déjeuner, entièrement vide, ainsi que le verre de lait, donc les bords étaient encore blancs.

Il prit sa douche, et rassembla le linge sale pour démarrer la machine à laver. C'était un vrai bonheur de pouvoir laver son linge à la maison, sans avoir à sortir dehors. Il frissonna en pensant que la jeune femme avait dû sortir, et il pria pour qu'elle n'ait pas trop froid.

Une fois le ménage accompli, il s'installa au clavier de son petit piano, et révisa quelques unes de ses compositions.
La journée passa vite, et quand son amante revint du travail et qu'elle s'installa sur la table de la salle à manger, devant son ordinateur, il se plaça quant à lui dans la cuisine, aux fourneaux.

"Journée difficile? demanda-t-il en hachant un steak.
-Les lundis, c'est toujours difficile... Entre les retards des imprimeurs, ou les journalistes qui n'ont pas fait correctement leur job, je plains le patron! Qu'est-ce qu'on mange ce soir?
-Du chili. Enfin... c'est ce que je vais essayer de cuisiner. Rendez-vous dans une heure pour savoir si ça a fonctionné!
-Grrr, j'aime que mon homme soit inventif et créatif comme ça! s'exclama-t-elle en riant."
Ce soir-là, il neigeait toujours. On approchait des vacances de fin d'année, et malgré la pression et les rush d'écriture que devait subir Félicité, elle se sentait plutôt en forme et de bonne humeur. Elle se savait chanceuse de ne pas avoir à s'occuper de la maison en rentrant, comme quelques unes de ses collègues, dont les maris mettaient toujours les pieds sous la table, et jamais la main à la pâte.

"J'aime la neige... dit-elle accoudée à la fenêtre.
-C'est beau, mais on est bien à l'intérieur...
-Je n'en avais jamais vue avant cet hiver.
-Tu en verras tous les ans à présent. Et je serai là pour la regarder avec toi."
Ils montèrent les escaliers, et entrèrent dans la salle de bain attenante à leur chambre. Félicité se changea et enfila son pyjama, tandis que Akim fit couler l'eau de la baignoire. Il entra dedans, et la jeune femme se brossa les dents.

"Tu ne m'en veux pas si je vais me coucher? La journée était épuisante...
-Vas-y, répondit-il, je n'en ai pas pour longtemps.
-Merci."

Elle se pencha au-dessus de l'eau pour l'embrasser tendrement, puis elle regagna le lit avec un soulagement non dissimulé.
Lorsque Akim la rejoignit, elle était déjà à moitié endormie, et il se glissa silencieusement sous les couvertures, avant de la tirer contre lui, et de l'envelopper de ses bras. Son visage se rapprocha de ses longs cheveux blonds, doucement parfumés au savon.

Ils se serrèrent l'un contre l'autre en entendant le vent qui continuait de souffler dehors, marquant l'hiver le plus rigoureux que l'on avait jamais connu à Plavi Raj.

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