Chapitre #8: Deux chemins différents

Félicité dormit longtemps, et lorsqu'elle se réveilla, un frisson la parcourut et elle remonta la couette jusque sous son menton. Elle resta quelques minutes de plus dans le noir, pour se remémorer la soirée qu'elle avait passée en la compagnie de Akim, qui entra doucement dans la chambre, en pyjama.


"Ah ça y est, tu es enfin réveillée! lui dit-il.
-J'ai tellement bien dormi...
-Je vais préparer le petit-déjeuner. Tu peux prendre la salle de bains, j'y ai déposé tes affaires.
-Merci!"

Elle sauta hors du lit, et fit quelques pas précipités en direction de la salle de bains, où elle pourrait se réchauffer.

Elle referma la porte derrière elle, et s'avança vers le miroir. Elle s'était endormie très rapidement la veille, une fois qu'elle s'était retrouvée entre les bras de son amant et qu'elle avait fermé les yeux, tout était allé très vite. Ce n'était seulement que maintenant qu'elle prenait le temps d'y repenser. Elle se sentit un peu gênée face au miroir, découvrant les parties de son corps que Akim avait touchées et embrassées.

Mais elle était aussi heureuse de savoir que leur relation évoluait, et que le couple qu'ils formaient était sérieux.

Elle entra dans la cabine de douche, et fit couler de l'eau chaude.

Quand elle eut revêtu ses vêtements, elle se sentait d'attaque pour la journée, et vint partager quelques pancakes tout chauds avec Akim.

"Alors, tu vas aller lui parler? demanda-t-il avec beaucoup de sérieux.
-Oui. On est d'accord là-dessus, c'est ce qu'il y a de mieux à faire... J'espère qu'elle voudra bien m'écouter, cette fois.
-Ne te laisse pas décourager."

Félicité lui sourit et lui serra la main. Elle ne voulait pas que cette histoire empiète sur celle qu'elle construisait avec Akim, et pour cela, il fallait la régler.

Elle l'aida à débarrasser, puis se rendit compte qu'il était déjà temps pour elle de retourner à l'appartement.

"Je n'ai pas spécialement envie d'y retourner, mais plus vite ce sera fait, mieux je me sentirai. Merci pour ton hospitalité... et pour tout le reste, aussi."

Il lui caressa la joue, avant de répondre.

"On remet ça quand tu veux. Tu n'auras qu'à sonner, même en pleine nuit, et te jeter dans mon lit, ajouta-t-il avec un clin d'oeil."

Elle ne put s'empêcher de rire, avant de prendre le chemin du retour.

Quand elle déverrouilla la serrure de l'appartement, et qu'elle fit ses premiers pas à l'intérieur, son cœur s'accéléra. A nouveau, elle sentait que quelque chose d'étrange était en train de s'y passer, et elle s'en voulut presque d'avoir découché, et d'avoir laissé Elsa seule au milieu de ses affaires.

Elle entra dans la pièce principale, et fut à peine étonnée d'y voir le désordre qui y régnait. L'évier fuyait, mais pire encore, de nombreux cartons s'entassaient au milieu d'un salon à moitié vide.

Où était passée la télévision? La vaisselle?

"Ah... Félicité... entendit-elle dans son dos."

Elle se retourna, et se retrouva nez à nez avec sa colocataire. Elle se sentait passablement sur les nerfs.

"Ah tiens, justement, c'est à toi que je voulais parler!
-Ecoute, tu tombe vraiment mal, je...
-Oui, qu'est-ce que tu étais en train de faire? Je peux savoir où sont mes affaires? La télévision m'appartient encore à ce que je sache, et je voudrais savoir ce que tu en as fait!
-Tu pars et tu ne rentres pas de la nuit, sans même me prévenir et j'aurais des comptes à te rendre c'est ça? Tu crois pas que tu m'en demandes un peu trop?
-Pardon, mais je suis encore chez moi!"

Les choses semblaient davantage s'envenimer que s'améliorer entre les deux jeunes femmes, et Félicité ne savait pas comment calmer le jeu, alors elle continuait à dire tout haut ce qu'elle pensait, sachant pertinemment que cela n'arrangeait rien. Et Elsa l'avait bien remarqué.

"Je suis désolée, mais je ne veux pas poursuivre cette conversation, tant que tu seras aussi énervée, fit cette dernière.
-Excuse-moi, mais j'ai toutes les raisons du monde de m'énerver, quand la personne que je croyais être ma meilleure amie est en train de me voler!
-Tu me traites de voleuse maintenant?! Merci, ça me fait plaisir! Après tout ce que j'ai fait pour toi et ton copain, ça fait plaisir!
-Alors peut-être que tu vas m'expliquer ce qu'il se passe dans cette maison?!
-Je..."

Elsa soupira, avant de prendre son visage entre ses mains. Le calme était soudainement retombé entre les deux jeunes femmes, il était temps pour chacune de grandir un peu, et de se parler entre adulte.

"Si tu veux tout savoir... commença Elsa, il y a un camion qui m'attend au coin de la rue.
-Quoi? Mais comment ça...?"

Elsa fit un mouvement de tête en direction des cartons.

"Ce sont tes affaires. Tu avais raison... Je ne suis qu'une voleuse, rien de plus. Tu te rappelles il y a quelques mois, tu avais à peine emménagé et quelqu'un s'est introduit chez toi. C'était moi."

Félicité prit un air abasourdi, sans rien pouvoir répondre.

"Je suis vraiment désolée... Depuis le début... J'ai pas été clean avec toi. Mes complices m'attendent, je vais devoir y aller, mais... je peux te laisser ces cartons. Je leur dirai que tu es rentrée plus tôt que prévu."

Elle se leva, laissant son amie totalement silencieuse.

"Ce n'est pas possible... murmura Félicité.
-J'ai tout de suite pensé que tu avais l'air d'une fille sympa, j'ai essayé de te prévenir quand tu m'as proposé de venir vivre chez toi... mais tu n'as rien vu... Je suis sincèrement désolée. Je m'étais attachée à toi, vraiment. Tu es une fille bien, pas comme moi."

Elle s'enferma dans la salle de bains, le temps de se changer et de rassembler les quelques vêtements qui lui appartenaient.

Félicité resta assise sur le canapé. Elle avait du mal à digérer ces informations nouvelles, cela lui semblait trop surréaliste.

Quand Elsa revint lui faire des adieux, elle ne put s'empêcher de pleurer.

"Mais... pourquoi t'en aller? lui demanda-t-elle.
-Je n'ai pas le choix, on m'attend. Ce sont ces hommes qui sont venus faire du repérage l'autre soir...
-Mais tu pourras les quitter, rester avec moi et repartir à zéro..."

Elsa lui sourit tendrement, presque maternelle.

"Ce n'est pas le genre de personnes que l'on quitte comme ça. Ecoute, tu es vraiment gentille, une fille bien... Tu n'as pas besoin de moi, je ne vais faire que gâcher ta vie. Regarde, les derniers jours que nous avons vécus ensemble ont été catastrophiques."

Elle alluma une dernière cigarette, et Félicité ne lui dit rien, encore sous le choc.

"Je suis sûre qu'une belle vie t'attend, tu sais. Akim est un homme bien lui aussi, je suis certaine que vous n'allez pas tarder à vous rapprocher davantage. Sans moi, plus rien ne vous empêche d'aller plus loin dans votre relation, il faut être honnête.
-Mais... Et toi, qu'est-ce que tu vas devenir..."

Elsa haussa les épaules.

"Je survivrai, comme d'habitude. Ne t'inquiète pas pour moi, tout ira bien."

Elle écrasa son mégot et le jeta dans l'évier, puis elle finit par quitter l'appartement pour de bon.

Félicité la regarda s'en aller par la fenêtre. Il y avait effectivement une voiture chargée, qu'elle n'avait pas vue en arrivant, et dans laquelle Elsa grimpa.

La jeune femme sentit son coeur se briser, à l'idée qu'elle ne reverrait plus jamais son amie, peut-être plus qu'à l'idée qu'elle l'avait trahie et dépouillée. Parce qu'elle savait qu'Elsa avait été sincère dans son amitié malgré tout, et que si elle avait pu, elle aurait fait marche arrière... C'était la raison pour laquelle elle savait qu'elle ne porterait pas plainte contre elle.

Félicité se sentit fondre en larmes. Elle se sentait tout à coup extrêmement seule, dans cet appartement qui lui rappelait à chaque instant cette amie perdue. Elles avaient choisi des chemins différents, qui se séparaient ici et maintenant.